Éducation inclusive en Allemagne : de l’accompagnement à l’autonomie. Acte un.

Éducation inclusive en Allemagne

Inclure les personnes handicapées dans le système éducatif ouvert à tous est un processus de lutte contre l’exclusion sociale des jeunes enfants. Un parent témoigne sur le système scolaire inclusif en Allemagne et sur son expérience.

Treize ans déjà.

La doctoresse de la station de pédiatrie intensive nous assiste et nous fait le bilan de ces dernières deux semaines. Mon fils est né par césarienne d’urgence. Prématuré, son pronostic vital est engagé. Les prouesses de médecine intensive furent heureusement à la hauteur de nos espoirs. Nous écoutons les recommandations, les questions-réponses fusent. Nous accusons aussi le coup : notre fils est sourd. Mais vivant.

Le parcours du combattant commence alors.

Notre foyer familial accueille un nouveau membre, nous essayons d’oublier le choc de la naissance. Le repérage auditif néonatal nous préoccupe pourtant et ne nous lâche pas un seul instant. Quel avenir pour notre enfant ? Devons-nous nous préparer à apprendre le langage des signes ? Quelle langue devrons-nous privilégier ? La recherche intensive d’informations pertinentes commence, le dépistage de la surdité également.

Un suivi médical exemplaire est mis en place avec l’hôpital universitaire de Hambourg. Il est à la hauteur des enjeux et nous rappelle ô combien le pays de naissance pour ma femme et le pays d’accueil pour moi est développé. L’espoir renaît quelques mois plus tard lorsque les capacités auditives de notre enfant sont décelées. Notre fils ne sera pas sourd, il restera malentendant. Il portera à vie une prothèse auditive.

C’est un véritable programme d’accompagnement autour des parents et de l’enfant qui se met en place. Un suivi précoce, individuel et holistique nous est proposé chaque semaine dans une école spécialisée. Un seul but : apprendre à écouter et à parler naturellement, acquérir la langue parlée comme moyen de communication.

Le modèle d’inclusion dans une école primaire.

La scolarisation de notre fils débute. Nous optons pour le modèle d’inclusion dans une école élémentaire sur les vives recommandations de l’école spécialisée qui suit notre fils depuis plus de quatre années déjà. Le principe : intégrer un enfant handicapé au sein d’une classe d’enfants non handicapés. Le modèle nous séduit car l’intégration sociale de notre enfant nous est primordiale. Notre fils est accueilli dans une classe parmi 23 autres écoliers. L’institutrice est spécialisée sur le thème de la communication. Notre chance !

Les soucis majeurs sont d’abord matériels. Améliorer le confort acoustique de la classe est une priorité pour laquelle l’école n’est pas sensibilisée. Les infrastructures doivent être adaptées. La classe se voit équipée d’une installation auditive interactive entre le corps enseignant, les écoliers et notre fils. Toutes les parties œuvrent rapidement avec le soutien de la ville de Hambourg. Des éducateurs spécialisés visitent régulièrement la classe et observent, conseillent aussi bien l’institutrice que les parents. Le soutien pédagogique est assuré. Nous sommes confiants.

Notre fils se sent intégré ; son handicap est accepté par les autre écoliers qui lui démontrent une grande bienveillance et une attention particulière.

Le modèle a ses limites.

Deux années se sont passées. Les deux suivantes ne seront pas comparables avec les premières.

L’institutrice va devenir mère. Une nouvelle institutrice arrive, prend le relais. Cela marquera la rupture. Peu préparée à maîtriser le handicap, moins expérimentée aussi, notre fils décroche rapidement. Des tensions naissent au sein de la classe et cassent l’unité et la solidarité entre les enfants.

Dans le même temps, les ressources spécifiques et budgets alloués à notre enfant, sont plus affectés à remplacer les congés maladie du corps enseignant de l’école qu’aux besoins spécifiques de notre fils. Le soutien pédagogique ne suffit pas à combler le déficit. La compassion de la direction de l’école est là, mais ne nous sera d’aucune utilité : les moyens financiers ne sont toujours là mais déviés de leur but inclusif. Les résultats scolaires s’en ressentent. Notre fils devient le grand perdant du modèle, aussi bien sur le plan pédagogique que sur le plan comportemental et social. Cette situation l’affecte grandement au point de se refermer sur lui-même. Le rejet est acté. Vivre un handicap en étant enfant est un véritable combat.

L’inclusion est-elle une réussite ?

À la veille de devoir rentrer en collège, ma femme et moi nous posons la question : l’inclusion est-elle une réussite ? Est-elle la meilleure solution pour garantir l’égalité des chances et la participation à la vie sociale pour tout le monde de la même manière ? L’inclusion est-elle utopique ?

Au-delà de la connotation philosophique de la question, notre réponse reste mitigée. L’acceptance de l’inclusion au sein de la société est établie et constante. La charge additionnelle de travail pour les enseignants est bien là, pesante, et doit être prise en considération. La réussite de l’inclusion dépend essentiellement de la compétence pédagogique du corps enseignant. Elle seule influence la réussite ou l’échec du modèle de l’éducation inclusive. Le corps enseignant est-il alors suffisamment préparé à cet enjeu ? Les doutes sont permis.

Quels sont alors les modèles alternatifs pour notre fils ? La responsabilité parentale est lourde, le choix à faire est très difficile. Il en va de l’avenir de notre enfant et de son intégration dans la société. Une nouvelle expérience débute alors …

Crédit image : Image par Gerd Altmann de Pixabay

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