Comment les écoles et collèges se sont-ils adaptés à la situation sanitaire? Quelles mesures ont-elles été prises? Quelles sont les conséquences pour les élèves? Cet article se penche sur la situation à la Georg-von-Giesche Obershchule de Berlin qui compte des classes régulières allemandes ainsi qu’une classe européenne franco-allemande.
Les écoles en Allemagne ont été fermées deux fois: une première fois au printemps 2020 lors du premier confinement, une seconde fois à la rentrée scolaire de janvier pour une période indéterminée.
On constate que, de mars 2020 à janvier 2021, les écoles se sont plutôt bien adaptées. Au printemps 2020 la décision de fermer les écoles fut brutale et toucha des établissements absolument non préparés. Aucun système d’enseignement à distance n’était en place. Sans équipement informatique mis à disposition, profs et élèves durent utiliser leur ordinateur personnel tandis que de nombreux élèves se virent réduits à suivre les cours sur leur téléphone portable.
Des vidéo-conférences se mirent laborieusement en place, fonctionnant de manière aussi aléatoire que les connections internet.
Comme aucune obligation n’existait d’allumer sa caméra, l’assiduité des élèves n’était pas assurée. Pour les professeurs, s’ajoutait la difficulté de maitriser les multiples fonctions parfois inutiles de la plateforme de e-learning Lernraum. Les devoirs étaient envoyés par mails, les corrections aussi. Malheureusement on constata bientôt que près de 50% des élèves ne rendaient pas leurs devoirs. Les notes étaient artificielles, le Sénat de Berlin ayant introduit un système de notation temporaire qui interdisait aux professeurs d’attribuer de moins bonnes notes qu’avant le confinement.
Au fond, tout cela n’était pas bien grave car, au printemps 2020, on croyait encore que la situation serait provisoire.
Pendant l’été un système de couleurs se mis en place: vert (R.A.S), jaune (distanciation sociale, masques dans les couloirs), orange (port du masque obligatoire dans les classes et ouverture des fenêtres toutes les 15 minutes, certaines classes en quarantaine) rouge (fermeture de l’école). La Georg von Giesche Oberschule trouva son rythme de croisière entre le jaune et l’orange.
Depuis janvier tout est beaucoup mieux organisé.
On a appris des erreurs et comblé les lacunes. Les fonctions utiles de la plateforme Lernraum sont désormais bien maitrisées. Les vidéo-conférences sont devenues la règle. Des i-pads ont été commandés pour les élèves qui n’en ont pas les moyens. Le système de notes a été adapté, notamment la présence aux vidéo-conférences est notée. Les contrôles ont été remplacés par des « projets ».
Les écoles sont maintenant obligées d’assurer des permanences pour les enfants dans des situations délicates ce qui les oblige à faire leurs devoirs. À la Giesche il y a maintenant environ 50 élèves dans la « Notbetreuung » et les demandes augmentent. Les élèves sont en général très heureux de pouvoir retrouver leurs camarades et d’avoir du soutien aux devoirs. Les élèves ont été partagés en deux groupes, les groupes A et B, l’un étant en présentiel, l’autre en digital. En février la remise des bulletins ne se fera pas en présentiel mais les bulletins sont envoyés sur demande expresse des parents.
Ce qui s’adapte moins bien, c’est le mental.
Bien qu’il existe des élèves qui travaillent mieux en « home schooling » , la grande majorité souffre de ne pas avoir de contact avec leurs camarades. Le confinement rend paresseux. L’école à la maison favorise certaines pratiques comme le « copié-collé » de l’internet. D’une manière générale l’écart se creuse entre les élèves venant de milieux dans lesquels l’éducation est importante et où les parents suivent l’éducation de leurs enfants de près et les milieux défavorisés où les élèves sont laissés à eux-mêmes.
Certes, les difficultés ne sont pas nées avec le home schooling et la perte du lien social et du rattachement à l’école. Le confinement prolongé renforce des problèmes existants mais ne les corrige pas. À la Georg von Giesche Oberschule, les classes européennes se sortent mieux de cette expérience que les classes ordinaires rassemblant les adolescents du quartier. Mais là aussi des inégalités sont à constater: ainsi dans les classes européennes les élèves qui ne parlent pas le français à la maison sont défavorisés.
Il est urgent de sortir du court-termisme
Alors que la crise sanitaire se prolonge, l’expérience dans nos écoles nous montre qu’il est urgent de sortir du court-termisme et de développer des solutions de long terme permettant aux élèves de toutes origines de se retrouver et d’avoir accès à une éducation de qualité. Il est urgent de renvoyer les enfants à l’école et donner une perpective aux familles qui vivent le « home schooling » à plein temps. Les enfants font aussi partie des personnes vulnérables et l’éducation est une responsabilité sociale.
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