COVID-19 : où en est l’Union européenne?

L’avalanche de commentaires critiques sur la riposte de l’Union européenne face au défi posé par l’épidémie de COVID-19 , ou l’absence de nouvelles sur le sujet, laisseraient à penser que la solidarité européenne est en berne. Pourtant, dès le début de la crise sanitaire et financière, l’Union européenne s’est montrée réactive et ingénieuse. Et elle doit aller plus loin.

La crise COVID19: Un choc exogène, inattendu et d’une ampleur sans précédent.

Toutes les conditions rendant indispensable une action coordonnée au niveau européen (sinon mondial mais ce n’est pas le sujet de cet article) sont réunies.

La crise actuelle touche tous les États membres, sans exception. Et aucun n’en est responsable. On peut reprocher à certains États d’avoir réagi trop tard, on peut reprocher à d’autres leur manque de prévoyance en matière de gestion des risques (la pénurie de masques, pas exemple, ou la dépendance vis à vis de pays tiers) on peut déplorer le manque de moyens des hôpitaux etc. Mais on ne peut reprocher à aucun d’être à l’origine de la crise.

Cette crise touche tous les États membres mais elle ne les touche pas de la même manière. La crise sanitaire cause des dommages bien plus sérieux dans certains pays: soit du fait du manque de préparation des hôpitaux, soit du fait d’une démographie plus défavorable. On constate également que les États les plus gravement touchés ne sont malheureusement pas ceux qui ont le plus de moyens financiers ou de marge de manoeuvre budgétaire pour répondre à la crise économique …

Au contraire, les États qui maîtrisent le mieux la crise sanitaire sont plutôt ceux qui ont le plus de moyens pour juguler la sortie de crise économique provoquée par le confinement. Les aides directes aux particuliers et aux entreprises en Allemagne représentent par exemple le triple des aides directes en France (sur ce site) … Le Jacques Delors Center à Berlin présente ces disparités ici.

Il est clair que les mesures de sortie de crise doivent converger sous peine d’aggraver encore les disparités économiques entre les États membres. Des disparités croissantes nuiraient gravement à la reprise européenne, à sa cohésion économique, sociale et politique.

Ce que l’Union européenne a fait jusqu’à présent

Rappelons que la santé ne faisant pas partie des compétences de l’Union européenne, la Commission dispose en la matière d’une marge de manœuvre réduite. Considérant ces limitations, la réactivité a été remarquable: rapatriement de milliers d’Européens grâce à l’aide d’urgence, coordination dans la gestion des équipements médicaux, financement de la recherche d’un vaccin, abandon des règles budgétaires et acceptation en référé des mesures des États membres en la matière … (la fondation Schumann fait le point ici).

En matière financière, si l’on en croit le graphique ci-dessous, il s’agit de 3.390 milliards d’Euros (Source) mis jusqu’à présent à disposition de l’économie européenne en utilisant divers instruments existants ou créés pour l’occasion.

Covid-19 : les différentes mesures européennes mises en place
  • €200 milliards de la Banque européenne d’investissement (ici)
  • €100 milliards pour financer le nouveau programme SURE de chômage partiel lancé par la Commission début avril (ici)
  • €2450 milliards de mesures nationales à la liquidité des entreprises grâce à la flexibilisation  des règles communautaires en matière d’aides d’État  (ici)
  • €70 milliards en provenance directement du budget européen
  • €240 milliards  par le biais du Mécanisme de Stabilité Européen (ici)
  • €330 milliards-de mesures nationales de soutien fiscal (ici)

Non, l’Europe n’a pas bloqué: elle a facilité.

Certaines mesures sont très techniques et médiatiquement incommunicables. Les annonces ont été faites au compte goutte. Celles-ci menacent d’être étouffées par le populisme nationaliste à la mode. Ainsi le mouvement 5 étoiles a déjà refusé que l’Italie profite des fonds en provenance du mécanisme de stabilité européen (dont l’usage malheureux en Grèce avait fait les choux gras de leur campagne électorale). Plutôt mourir que subir le « joug » de Bruxelles ou se remettre en question. 

Par ailleurs ces mesures et initiatives d’investissement ne sont pas suffisantes en vue d’une relance économique complète.

Pourquoi l’Union européenne ne doit pas en rester là

Une réponse économique commune et forte à la crise du COVID-19 proposant des mesures allant au-delà des mesures présentées ci-dessus permettrait de préserver le tissu économique européen et la cohésion politique et sociale de l’Union. Une réponse forte marquerait les esprits et ferait taire les nationalismes égoïstes (qui, au fond, ne font que refléter une certaine déception de l’Europe) .

Cette réponse forte passe par la mutualisation des dettes engendrées par la crise COVID-19.

C’est ce que propose la France soutenue par la majorité des membres de l’Union européenne, surtout par les pays du Sud, beaucoup moins par les pays du Nord, dont l’Allemagne. C’est aussi la solution défendue par de nombreux économistes (tel le centre Jacques Delors cité ci-dessus qui s’était pourtant opposé aux « Eurobonds » pour la Grèce).

La feuille de route publiée par le Conseil à l’issu de la vidéo-conférence du 23 avril insiste sur les principes de cohésion et de solidarité mais reste très vague sur leur réalisation (ici)

À l’heure actuelle, le principe d’un engagement plus important, d’un « fond de solidarité » ou « fond de relance » correspondant à 10-15% du PIB est accepté. Ce fond post-crise devrait approcher les 1 000 milliards d’euros. La question qui divise encore concerne les modalités de remboursement des prêts contractés en commun: les emprunts contractés en commun seront-ils garantis en commun? Devront-ils être remboursés par chaque État en fonction du montant des sommes perçues ou proportionnellement en fonction de son PIB?
Ces modalités du partage réel des charges financières restent encore à définir dans les semaines qui viennent.

Pour Agir-Ici, nous pensons que la solidarité européenne est indispensable si l’on veut préserver ce bel espace de liberté de mouvement dont bénéficient les Français en Allemagne. Agir-Ici s’engage donc pour une réponse européenne, financièrement et politiquement ambitieuse.

Photo: © Olga Rybnikova/ Dreamstime

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