Si les questions relatives à l’éducation de nos enfants ressortent souvent ces derniers temps, le thème du droit à la famille ne peut pas être mis de côté car il démontre que l’information est essentielle.
Chaque parcours et chaque itinéraire à l’Étranger sont particuliers et uniques. Le destin personnel souvent se construit au gré des rencontres. Il n’est pas rare alors de trouver compagne ou compagnon, de fonder une famille et de choisir son lieu de vie en conséquence. Cela induit également d’accepter un cadre de droit.
Seulement voilà, l’idylle peut devenir cauchemardesque.
Quand le désamour prend le dessus dans une relation, les thèmes et les priorités changent. L’ordre du jour également : il s’agit de régler le divorce, le partage de l’autorité parentale et d’entrer trop souvent dans un conflit de loi pour garder le lien inséparable qui unit les parents et leurs enfants. La situation se complique dès lors que les enfants sont écartelés entre deux pays. C’est un quotidien pour les couples binationaux séparés.
Si les destins sont multiples, tous les chemins en Allemagne mènent au Jugendamt.
L’une des particularités de la justice familiale allemande est d’être régie par ce puissant « office de la jeunesse ». Celui-ci englobe toute l’administration publique chargée de l’aide sociale, de la protection de la jeunesse et de l’assistance aux familles. Il est surnommé le troisième parent.
En cas de séparation, le bureau d’aide à la jeunesse est omniprésent à toutes les procédures concernant un mineur – non pas en tant que conseiller du juge de la famille, mais en tant que partie prenante à la procédure, au même titre que les parents, même si ces derniers en ont la garde. Dans ces conditions, vous comprendrez aisément qu’en Allemagne, les enfants ont trois parents !
Une relation incestuelle
Le puissant office de la jeunesse allemand agit principalement dans le cadre de la Kindeswohlgefährdung, défini par l’article §1666 BGB. Sous couvert de ce principe de la mise en danger de l’enfance, le Jugendamt opère dans l’intérêt supérieur de l’enfant en termes d’atteinte à son intégrité physique, de son droit à la santé et à l’éducation.
Le bureau d’aide à la jeunesse, qui intervient dans tous les conflits familiaux, veille à ce que les enfants grandissent en Allemagne dans tous les cas. Car l’État allemand estime qu’un enfant ne peut bien vivre qu’en Allemagne : la nationalité allemande importe avant tout. Le Jugendamt devient alors le garant de ce paradigme.
Le juge aux affaires familiales est tenu de demander la participation du bureau d’aide à la jeunesse à la procédure et de solliciter son avis. Il n’a donc pas le choix en la matière. Or, la loi accorde à ce puissant organisme un droit de recours contre la décision du juge. Cela lui donne de fait le contrôle sur le juge aux affaires familiales et instaure ainsi une relation incestuelle.
L’Europe amène de la clarté
Le Conseil de l’Union Européenne a adopté le 25 juin 2019 la révision du Règlement « Bruxelles II bis » relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions. Une mise à jour indispensable relative au constat de l’ineffectivité de l’exécution des décisions, des lacunes dans la coopération entre les autorités centrales ainsi de l’insuffisance du dispositif relatif aux déplacements illicites des enfants. Mais une avancée qui reste très peu connue.
Pourtant, elle touche particulièrement les familles confrontées à des problématiques transfrontières notamment en matière matrimoniale, de responsabilité parentale (résidence de l’enfant et droit de visite de l’autre parent) et d’enlèvement d’enfants au sein de l’Union Européenne. Elle renforce la force exécutoire d’une décision. Une décision étrangère statuant par exemple sur la résidence habituelle d’un enfant et l’octroi d’un droit de visite et d’hébergement à l’autre parent, pourra être plus facilement exécutée en France, et inversement lorsque la décision vient de la France et doit être exécutée dans un autre État membre.
Elle élargit également son application aux conventions de divorce ; les accords enregistrés par les notaires tombent dans le champ d’application du règlement. Il faut rappeler sur ce point qu’initialement, seuls les accords de divorce conclus dans le cadre d’une procédure judiciaire étaient concernés.
Enfin, le droit de l’enfant d’exprimer son opinion est consacré dès lors que l’enfant est capable de discernement, et qu’exprimer son opinion devient une possibilité réelle et effective. Petit bémol néanmoins : il ne s’agit en aucun cas d’une obligation d’entendre l’enfant, le juge n’est pas lié par des éventuels souhaits exprimés par l’enfant lors de son audition. En quelque sorte un retour à la case départ…
Face à un problème structurel, la réalité quotidienne est bien différente
Le dynamisme des pages Facebook, des divers forums en ligne et la multiplication des pétitions effraient et ne détrompent en rien de la réalité quotidienne. Ce qui semble acquis dans le droit ne l’est pas forcément dans la réalité.
Nombre de nos concitoyens, mères et pères de famille, souffrent de ne pas pouvoir maintenir des relations personnelles avec leurs enfants parce que le troisième parent allemand, le Jugendamt, contrecarre l’exercice légitime de leurs droits de parents. L’office allemand de la jeunesse ne retient souvent que leurs devoirs.
Les élus de proximité sont régulièrement sollicités quand la souffrance naît. Le Conseiller des Français de l’étranger est en première ligne pour devoir apporter réconfort et assistance face à cette différence culturelle majeure. Il est là pour informer et aiguiller dans un monde où la dissémination de l’information règne.
Alerter toutes les autorités locales et françaises ne suffit pas. Car, au-delà, le problème du Jugendamt est structurel et politique avant d’être juridique.
Le droit du divorce en Allemagne, contrairement à presque tous les autres pays de l’Union Européenne, n’a pas de modèle alternatif. Le gouvernement fédéral devra remodeler le pouvoir et le rôle des bureaux de protection de la jeunesse. Mais cela dépasse les compétences des élus de proximité. L’ Assemblée Parlementaire Franco-Allemande, sous l’impulsion des élus de proximité, les conseillers et les parlementaires, devra se saisir un jour ou l’autre de ce sujet qui fâche.
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